Interview alumni : Olivier Magnan, Product Manager.

À 24 ans, il cofonde une start-up. À 30 ans, il lève plusieurs millions. À 33 ans, il rejoint Facebook aux États-Unis. Ce n’est pas le scénario d’une série à succès, mais bien le parcours d’Olivier, diplômé de CY Tech. Entre technologie, management et stratégie produit, il nous raconte son chemin, ses choix et ses défis.
Pouvez-vous vous présenter ?
Je suis entré à CY Tech en 2005, juste après le bac, via le cursus de classe préparatoire intégrée sur le campus de Pau. J’ai ensuite poursuivi les trois années du cycle ingénieur. Très tôt, j’ai eu envie d’élargir mes compétences, au-delà du strict domaine technique, c’est pourquoi j’ai effectué un double diplôme avec une école de commerce. Cela m’a permis d’aborder des notions de stratégie, de gestion, de marketing… qui m’ont ensuite beaucoup servi, notamment dans l’entrepreneuriat.
Pendant mes études, j’ai aussi suivi en parallèle des cours à l’IAE, en soirée. C’était une manière pour moi d’acquérir des bases plus solides dans des domaines comme les ressources humaines, la comptabilité, ou encore la gestion financière. J’avais déjà cette envie de comprendre le fonctionnement global d’une entreprise. J’ai obtenu mon diplôme d’ingénieur en 2011.
Quel a été votre premier projet professionnel après vos études ?
Dès la fin de mes études, avec deux camarades de promo, nous avons décidé de nous lancer dans l’entrepreneuriat. Nous avons créé une start-up appelée Fidzup. Notre ambition était de développer une technologie capable de capter le signal des smartphones à l’entrée d’un magasin, puis d’analyser les comportements des visiteurs en magasin : combien de temps ils restent, quelles zones ils fréquentent, etc.
Nous avons commencé par travailler avec des enseignes de distribution. Très vite, nous avons eu l’idée d’aller plus loin : coupler ces données à des campagnes de publicité digitale. Par exemple, si une personne entre dans un magasin mais ne passe pas à la caisse, elle peut ensuite recevoir une bannière publicitaire ciblée dans un rayon de 10 kilomètres, afin de l’inciter à revenir.
En tant que CEO, j’étais responsable de la stratégie globale, de la gestion de l’équipe, ainsi que des volets commercial et communication. Nous avons mené ce projet pendant près de 9 ans. L’entreprise a connu une belle croissance : nous avons levé 3 millions d’euros et atteint jusqu’à 40 salariés. En 2019, nous avons pris la décision de fermer la société, une expérience à la fois difficile et très formatrice.
Qu’avez-vous fait après cette aventure entrepreneuriale ?
Après la fermeture de Fidzup, j’ai décidé de partir aux États-Unis. C’était un moment pour moi de prendre du recul, de me replonger dans un environnement nouveau, et de continuer à apprendre. Fin 2020, j’ai rejoint Facebook (désormais Meta) en tant que Product Manager.
Chez Facebook, ma mission principale consistait à maximiser la réussite des utilisateurs sur la plateforme. Cela passait par une multitude de leviers : l’optimisation des parcours utilisateurs, l’amélioration des outils de création de contenu, ou encore la simplification des interfaces.
Depuis 2024, je suis de retour en France, installé à Toulouse. J’ai rejoint une nouvelle entreprise, Cenareo, qui développe un CMS dédié à la gestion d’écrans digitaux dans les points de vente. Nous construisons à la fois une solution logicielle et un player matériel permettant de piloter les contenus à distance.
En quoi consiste le rôle de Product Manager ?
Mon rôle, c’est de construire le produit, mais aussi de le faire adopter par le marché. On est un peu à la croisée des chemins entre la tech, le business et l’utilisateur. Il faut comprendre ce que les ingénieurs peuvent faire, ce que les clients attendent, et comment répondre à ces attentes en créant quelque chose qui fonctionne bien et qui a de la valeur.
À quoi ressemble une journée type dans ce métier ?
Il est difficile de parler d’une journée type car le métier est très varié, mais il y a tout de même des temps forts récurrents. En général, la journée commence par un point avec l’équipe de développement pour faire le suivi du projet en cours. On vérifie que les priorités sont bien claires, qu’il n’y a pas de blocages techniques, et que chacun avance dans la bonne direction.
Ensuite, je peux avoir des entretiens avec des utilisateurs ou des clients pour mieux comprendre leurs attentes. Je participe aussi régulièrement à des réunions avec les équipes commerciales pour travailler sur des appels d’offres ou définir des argumentaires produits.
Quelles sont les qualités nécessaires pour réussir dans ce métier ?
Ce métier exige d’abord une bonne capacité à comprendre des problématiques techniques, même si l’on ne développe pas soi-même. Il faut pouvoir dialoguer efficacement avec les ingénieurs, comprendre comment se structure une architecture logicielle, et anticiper les impacts d’une décision sur l’ensemble du produit.
Ensuite, les compétences relationnelles sont fondamentales. Le Product Manager interagit avec une multitude d’acteurs, il doit donc être capable d’écouter, de synthétiser, de négocier, et parfois de trancher. Il faut inspirer confiance et embarquer les équipes autour d’une vision commune.
Il faut aussi avoir une vraie sensibilité à l’expérience utilisateur. Être capable de se projeter dans les usages, de détecter les points de friction, de penser à chaque détail d’un parcours. Et enfin, être organisé, rigoureux et capable de gérer plusieurs sujets en parallèle.
Quel a été le plus grand défi de votre parcours professionnel ?
Le principal défi, c’est de faire travailler ensemble des personnes différentes. Dans une entreprise, chacun a ses compétences, ses habitudes, ses priorités. Créer une dynamique commune, une vision partagée, c’est un vrai travail d’alignement. Et ce n’est jamais acquis.
Un autre défi est de comprendre profondément les besoins des clients. Ce qu’ils expriment ne correspond pas toujours à leurs besoins réels.n. Il faut aller plus loin, poser les bonnes questions, tester, ajuster. Cela demande beaucoup d’empathie et d’écoute.
Enfin, une grande question revient sans cesse : est-ce que ce que l’on développe crée vraiment de la valeur ? Et que signifie “créer de la valeur” ? C’est un enjeu fondamental du rôle de Product Manager, mais aussi un sujet complexe, car la réponse n’est pas toujours immédiate ou mesurable.
Pourquoi avoir choisi CY Tech pour vos études ?
Je savais que je voulais m’orienter vers les métiers de l’informatique, et CY Tech offrait une formation solide et structurée dans ce domaine. J’ai été attiré par le fait de pouvoir suivre un cursus complet de cinq ans au sein d’un même établissement, avec une forte dominante technique.
Avec le recul, ce que j’ai le plus apprécié, c’est la qualité des relations humaines. Passer cinq ans dans une même promotion permet de créer de véritables liens, une cohésion, une entraide. Cette continuité m’a beaucoup apporté, humainement et professionnellement.
Quels conseils donneriez-vous aux étudiants de CY Tech aujourd’hui ?
Je les encouragerais à être curieux, à sortir du cadre de ce que l’école propose, et à s’intéresser à d’autres domaines que le code. L’ingénieur d’aujourd’hui et de demain doit comprendre les enjeux de l’entreprise dans son ensemble : le marketing, les ventes, la finance, les ressources humaines…
L’intelligence artificielle va profondément transformer les métiers. Il faut apprendre à l’utiliser non pas comme une menace, mais comme un levier. Cela implique d’avoir une vision globale et stratégique.
Enfin, je dirais qu’il faut oser. Ne pas hésiter à créer, à expérimenter, à se tromper. L’école donne un cadre technique solide, mais c’est en allant au-delà, en testant par soi-même, que l’on découvre vraiment ce qui nous passionne.